Les 5 règles d’or du « vélotaf »

A Paris, les grèves des transports ont créé l’occasion (ou l’obligation) de « vélotafer », soit enfourcher son vélo pour se rendre au travail. Voici comment faire de l’exception une vertueuse habitude.

https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2020/02/23/velotafer-s-y-mettre-et-ne-pas-decrocher_6030501_4497916.html

Par Marlène Duretz

Le « vélotaf », mot-valise de « vélo » et « taf » (« travail » en argot), consiste à utiliser une bicyclette pour ses trajets domicile-bureau. Depuis les grèves des transports en commun de décembre 2019, de nombreux « néovélotafeurs » sont apparus, défiant les éléments et les obstacles. Cinq commandements pour s’accrocher au guidon.

  • Ta distance, tu évalueras

Tout cycliste occasionnel, voire inconnu au bataillon du deux-roues jusqu’ici, peut se mettre facilement en selle dès lors qu’il ne s’attaque pas d’emblée à l’ascension du mont Ventoux. « Huit kilomètres aller-retour, c’est rien, estime Julien Rabier, 32 ans, qui a adopté le vélo pour se déplacer à La Rochelle en 2017. Juste quelques dizaines de minutes sans forcer, tu n’as même pas le temps de transpirer. » Pour le créateur du blog « Cestbiendetrebien.com », consacré au running, trail et bikepacking, « pas besoin d’avoir de grosses bases. Tu prends vite le pli, et tu progresses rapidement ».

« Le vélo est surtout utilisé lorsque le lieu de travail se trouve jusqu’à 4 kilomètres du domicile »

2 % d’actifs français rejoignent leur travail à vélo pour des distances majoritairement inférieures à 5 km, rarement plus de 10 km. C’est même le mode de déplacement qui rend « le plus heureux », selon les conclusions d’une étude de l’université du Minnesota.

Et c’est assez rapide en ville : de 10 km/h à 16 km/h en moyenne – autour des 20 km/h pour le vélo à assistance électrique, ou VAE. « Le vélo est surtout utilisé lorsque le lieu de travail se trouve jusqu’à 4 kilomètres du domicile, et décroît au-delà, observent Frédéric Tallet et Vincent Vallès, auteurs de l’étude Partir de bon matin, à bicyclette (Insee Première, janvier 2017). Pour les distances de plus de 15 kilomètres, les vélotafeurs sont moins de 0,5 %. »

  • Ton biclou, tu choisiras

« La condition physique n’est pas déterminante dans le choix du vélo mais l’usage qu’on en fait au quotidien, si, considère Olivier Oudin, cofondateur de Monsieur Cycles, vélociste à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) depuis 2013. De plus, tout ce qui apporte du confort sur un vélo, c’est du poids en plus à déplacer. »

Le cycle adopté par le vélotafeur, qu’il le préfère VTT, « tout-chemin », électrique, hollandais ou pliant, dispose au minimum d’une selle suffisamment confortable pour qu’il n’en garde pas le souvenir une fois qu’il en est descendu, d’une chaîne graissée, d’une sonnette audible à plus de 50 mètres, de pneus en bon état et bien gonflés, ainsi que de deux dispositifs de freinage efficaces. Et d’un éclairage en état de marche.

« Pour garantir le meilleur rendement, le vélo doit être adapté à la taille du cycliste, lui permettre d’être plutôt assis que couché pour une meilleure visibilité en ville et disposer de grandes roues pour lui offrir le plus grand déploiement possible et une meilleure adhérence, préconise Olivier Oudin. Côté réglages, la pointe des pieds, a minima, vient toucher le sol pour assurer les arrêts en toute sécurité, et le gonflage des pneus est à vérifier une fois par mois », selon ce spécialiste du vélo hollandais.

Bien que cinq fois plus cher en moyenne qu’un vélo classique, le VAE représente désormais 13 % du marché français du cycle (Observatoire du cycle, 2018). A recommander pour les longues distances, et pour les mollets en quête d’une assistance électrique au pédalage.

  • La sécurité, tu privilégieras

Outre le respect du code de la route qui s’applique aux cyclistes, et sauf dispositions spécifiques à une ville, la sécurité à vélo passe par trois fondamentaux selon Olivier Schneider, président de la Fédération des usages de la bicyclette : préparer son trajet, être visible, et équipé de bons freins.

« Il est primordial que le néophyte détermine l’itinéraire qu’il va emprunter, privilégiant les infrastructures cyclables sur son chemin, plus sécurisées », insiste M. Schneider. Son vélo doit par ailleurs être obligatoirement équipé de feux de position, non clignotants, de catadioptres (dispositifs rétroréfléchissants), blancs à l’avant, rouges à l’arrière, et de catadioptres orange sur les pédales et les roues. Pour accentuer sa visibilité, sac, veste et/ou gilet à bandes réfléchissantes sont à endosser, ce dernier étant obligatoire hors agglomération de nuit et par faible visibilité (pluie, neige, brouillard).

En cas d’accident, le casque réduit les traumatismes crâniens, mais « ne peut rien contre un SUV de 2 tonnes »

Quant au casque, obligatoire pour les moins de 12 ans, « je ne le décourage pas », explique M. Schneider, qui défend le principe de « la sécurité par le nombre », selon lequel « plus il y a de vélos sur l’espace public, plus ils sont prévisibles par les autres usagers, mieux ils sont vus et le risque d’accident décroît ». Un casque qui, s’il est adopté, est ajusté et léger, aux sangles bien régléesEn cas d’accident, il réduit les traumatismes crâniens, mais « ne peut rien contre un SUV de 2 tonnes », souligne M. Schneider. Il reste toutefois « fortement recommandé » par la Sécurité routière.

Enfin, à vélo, pas de casque audio, d’écouteurs ou d’oreillettes, pas plus que de smartphone à la main, infraction passible d’une amende de 135 euros, sans perte de points sur le permis de conduire.

  • Les éléments, tu contreras

Le vélotafeur va forcément essuyer une averse impromptue, se démener contre un vent glacial, ou suer à grosses gouttes sous un soleil de plomb ou sous le poids d’une doudoune inadaptée. « Le vélotafeur porte en général des vêtements de saison qu’il va garder tout au long de la journée. Ou du moins essayer ! », explique Julien Rabier.

En hiver, l’ultratraileur accro de la petite reine superpose les couches à la manière d’un oignon, l’air interstitiel l’isolant du froid. En toute saison, il privilégie les tissus respirants et garde à portée de main un pantalon et une veste (ou cape) de pluie ainsi que des couvre-chaussures. « Je déconseille le port de la capuche, qui gêne la visibilité latérale. De toute façon, t’es censé avoir ton casque… », ajoute-t-il.

Les plus frileux ajouteront à leur panoplie des gants et une cagoule, à glisser sous le casque. Préférer le tour de cou à l’écharpe au long cours qui aime à flirter avec les rayons de roue. Enfin, pour éviter les « coups de chaud », diminuer la vitesse de ses tours de pédalier le temps que le corps s’habitue à l’effort.

  • En pragmatisme, tu gagneras

Arrivé sur son lieu de travail, tout le petit barda du vélotafeur, humide ou détrempé, appréciera d’être séché, ou ne serait-ce qu’aéré, accroché à même le vélo s’il est entreposé dans un local, ou suspendu à un portemanteau.

Eviter le séchoir au beau milieu du bureau, ou la liquette malodorante sur le dossier de la chaise. « Je fais sécher ma veste sur un cintre accroché à l’armoire de mon bureau, et le pantalon, si besoin, sur le convecteur », explique Anna, 26 km par jour en VAE depuis dix ans en région parisienne. Dans son caisson, la quinqua dispose d’une paire de chaussures et d’une tenue de rechange cohabitant avec une pompe à vélo. « Ma chef accroche ses vêtements mouillés au paper board, personne n’ose rien dire. »

Panier et/ou sacoche(s) amovibles, ainsi qu’un sac à dos imperméable, viennent agrémenter sa monture, engrangeant au gré des saisons le protège-selle, la gourde, le déo, les lunettes de soleil, ou transparentes pour ne pas verser sa larme, les emplettes ou encore la pince à vélo, le short à glisser sous la jupette à défaut du Poupoupidou, pince à jupe aimantée.